Arthur Kopel

Vorona I Galka
La Corneille et le choucas

2008

Un grand vent soufflait dans la plaine enneigée. Deux moines, l'un habillé de noir, l'autre de gris, marchaient péniblement. Leurs pas s'enfonçaient trop profondément dans la neige. Le vent commençait à cingler violemment leur visage. Bientôt ils ne verraient plus rien. Au détour de la bourrasque, ils décidèrent de pénétrer dans la forêt, pour y faire halte, le temps que la visibilité deviennent meilleure. Ils tombèrent sur une hutte de bûcheron qui semblait vide, sans fumée. Ils entrèrent. Ils réussirent à allumer un maigre feu. Sur la table, il y avait un pot de kvass, du seigle fermenté, et aussi quelques voblas, des gardons séchés de la Caspienne, durs, dont les filets se déchirent avec la pointe d'un couteau… Le moines, n'y tenant plus, se servirent après s'être tournés vers le coin aux icônes.


« Il s'est passé quelque chose de terrible dans cette forêt.
– Qu'est-il, donc arrivé ?
Bôjé moy! mon Dieu! C'est une drôle d'histoire, C'était du temps où ... c'était... je ne sais plus exactement... »

Il était une fois.

Sur les chemins étoilés de paille sèche, sur les chemins de poussières et de terre qui sillonnent les forêts, marchaient deux pèlerins. Le premier, vêtu d'une cape grise et d'un chapeau noir, venait d'une île, loin au nord.

Cheminant ainsi, ils rejoignirent, au cœur d'une forêt sombre de mélèzes, un autre pèlerin vêtu d'un manteau en fourrure gris-bleuté, alors que le soir estompait les lointains et que les étoiles se levaient peu à peu sur la nuit.


Le feu crépitait, les étincelles affolées fuyaient vers la lune. Le troisième homme réchauffait ses mains vers les flammes. Les deux pèlerins le regardaient sans rien dire. « Je viens de très loin, de derrière le rideau du temps, d'avant la mesure des déserts blancs du Nord. Je suis vieux, je vous attendais. J'allais à votre rencontre alors que vous suiviez mes pas sur le chemin. »



Il était une fois, bien avant que ne commence ce conte, deux brigands déguisés en pèlerins, qui arpentaient les chemins de la Sainte Russie pour dévaliser les gens de foi. Le premier avait été chassé de Novgorod à cause des nombreux vols qu'il avait commis. Le second avait fui un monastère où les moines voulaient le faire pendre, car il s'était fait passer pour un mendiant et volait les offrandes. Les deux compères sillonnaient depuis lors les routes sans vergogne.






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