Karen Lavot-Bouscarle

L'Arbre et la plaine

2011

Il faisait ainsi un trou dans lequel il mettait un gland, puis il rebouchait le trou. Il plantait des chênes. Je lui demandai si la terre lui appartenait. Il me répondit que non. Savait-il à qui elle était ? Il ne savait pas. [...] Le vent aussi dispersait certaines graines. En même temps que l’eau réapparut réapparaissaient les saules, les osiers, les prés, les jardins, les fleurs et une certaine raison de vivre1.





Au sommet de la montagne de Fulu, au cœur de la taïga suédoise, s’érige un épicéa vieux de plusieurs millénaires, grand sage portant la mémoire de tant de vies et de tant de choses. Depuis 7158 avant JC, il observe silencieusement le monde.

Il y a plus de neuf cent ans, une étoile d’une beauté exceptionnelle apparut dans le ciel ; cette apparition fut observée à l’époque. Aujourd’hui nous savons qu’il s’agissait de la supernova de la Nébuleuse du Crabe.
De telles apparitions sont rares : trois seulement dans notre Galaxie au cours des mille dernières années. Quand aura lieu la suivante ? Personne ne peut répondre à cette question. (...) C’est alors qu’interviennent les arbres qui peuvent relater tous ces phénomènes par l’examen des cernes2.

Aucune étoile de la galaxie ne meurt sans que l’arbre n’en rende compte... Il absorbe, nourrit, soigne, abrite, protège, du chaud comme du froid ; dans beaucoup de civilisations, il est la connaissance, la force de vie, il nourrit et élève l’âme. Dans la tradition Shinto par exemple, avant qu’apparaissent les autels, les temples étaient des arbres sacrés ; encore aujourd’hui, les sanctuaires sont toujours entourés d’arbres, appelés Chinju-no-Mori (la Forêt du sanctuaire du village), indiquant que ce n’est pas une forêt ordinaire.


Dans la Grèce antique, des plantations sacrées tenaient la place des sanctuaires, bien avant les temples que l’on connaît. Ainsi, dans le temple de l’Érechthéion sur le versant nord de l’Acropole, à côté de la fontaine d’eau salée de Poséidon, se tient l’olivier sacré d’Athéna, symbole de sa victoire, de paix et de prospérité.


L’arbre renaît de façon cyclique, projection idyllique dans notre mental qui ne peut admettre notre fin. « Bien avant que l’année décline, le printemps prochain est présent, mais c’est un secret. » écrit poétiquement Jacques Brosse dans Mythologie des arbres3. Il préface cet ouvrage d’une citation de Saint Bernard de Clairvaux : « Tu trouveras dans les forêts plus que dans les livres. Les arbres et les rochers t’enseigneront les choses qu’aucun maître ne te dira. »



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